#RDVAncestral

#RDVAncestral : 2 août 1915

Chaque troisième samedi du mois, il est possible de partir à la rencontre de ces ancêtres. Le #RDVAncestral est un projet d’écriture, ouvert à tous, qui mêle littérature et généalogie. L’idée principal de ce rendez-vous est de partir à la rencontre de ces ancêtres, à l’époque choisi, et d’imaginer la suite. Vous pouvez retrouvez les rencontres de tous les participants sur le site http://www.rdvancestral.com.

Ah Oger ! Quel plaisir d’être aujourd’hui dans ce joli village typiquement champenois de la Côte des Blancs ! Ses fontaines, ses lavoirs, ses jolies maisons en appareillage champenois et ses vignes qui l’entourent. Je le connais bien pour avoir travaillé à la Mairie pendant presque 4 ans et les étés aussi au point d’informations touristiques. Oui Oger est touristique ! Il y a de nombreuses maisons de champagne très accueillantes et proposant des assemblages de Champagne de qualité. Il y a aussi des fleurs, beaucoup de fleurs puisque le village a obtenu en 2005 la médaille d’or au concours européen des villes et villages fleuris.

Oger 2

Cartes Postales – Entrée principale de la Mairie – Collection personnelle

 

Dans la rue du Gué où je me trouve actuellement, il y a quelques fleurs mais beaucoup moins que lorsque je l’empruntais ! Il fait doux mais le temps est assez couvert. Je décide de la remonter jusqu’à la mairie. Comme toujours lorsque je marche un peu, je me perds dans mes pensées. Oger est un village limitrophe au sud de la commune d’Avize où réside mes ancêtres. Je sais que Jules et Blanche GASNAL ont des terres à Oger mais est-ce eux que je vais voir en ce jour orageux ? En septembre dernier, j’avais rendu visite à Jules dans son bureau de tabac. C’était un jour de septembre 1909, peu avant les vendanges. Est ce qu’il pourrait me reconnaître si je le vois aujourd’hui ? Bon il faut vraiment que j’arrête de penser à Jules, il n’y a pas que lui dans la vie !

J’arrive enfin en haut de la rue du Gué. J’aperçois un petit attroupement devant la mairie, essentiellement des femmes. Je m’approche d’un peu plus près. D’autres personnes affluent et se saluent bien poliment. Ce qui me semble bizarre, c’est qu’il y a très peu d’hommes. Mais après tout, c’est peut-être un rendez-vous spécial…

Je suis enfin assez proche du groupe pour entendre une vieille dame dire à une autre :

« Je suis très heureuse pour Clara. Charles est un bon garçon et beau qui plus est ! Ma petite fille sera bien avec lui. Satanée guerre, c’est aberrant qu’il ne puisse être présent pour célébrer ses noces ! »

J’ai les réponses à mes questions ! Nous sommes en temps de guerre ! Toutefois, les paroles de la vieilles dames m’intriguent. Le marié ne serait pas là pour son mariage ? C’est possible ça ?

Un homme ouvre les grilles de la Mairie.

« Mesdames, Messieurs, je vous invite à entrer dans la mairie pour la célébration du mariage. Laissez passer les mariés devant. »

Une jolie demoiselle, tout de blanc vêtue, s’avance aux côtés d’un homme… Il semble avoir un âge avancé mais je ne le vois pas très bien, pourtant sa silhouette ne m’est pas inconnu mais… Mais bon sang, c’est quoi cette mascarade. La jolie demoiselle, Clara je suppose, est au bras de Jules ! Oui oui mon Jules GASNAL. Pas le fils, qui aurait l’âge de se marier d’ailleurs mais bien mon Jules, le buraliste… Je suis un peu chamboulée.. Qu’il soit présent à ce mariage pourquoi pas, il est peut être ami avec les parents, ce peut être des voisins… Mais comment peut-il être aux premières loges, à côté de la mariée. Je suis les dizaines de personnes invitées et je pénètre à mon tour dans la mairie. Nous empruntons l’escalier qui se trouve à droite de l’entrée pour monter à l’étage où se situe la salle des mariages. Elle devrait être assez grande pour contenir tout le monde.

Les mariés se tiennent côte à côte devant le maître de cérémonie et devant la table où sont posé les registres d’état-civil qu’ils signeront.

« Mesdames, Messieurs, approchez que tout le monde puissent entrer« .

Je me faufile entre les invités pour m’approcher au plus près. Je scrute les personnes présentes et je vois Blanche de l’autre côté de la salle… Les 2 demoiselles à côté d’elle doivent être Odette et Yvonne, les 2 filles de Jules et Blanche, elles sont âgées de 14 et 15 ans.

L’homme reprend la parole :

« Bienvenue à tous dans la maison commune d’Oger. En l’absence de Monsieur le Maire, et en tant qu’adjoint, c’est moi, Léon LEMAIRE qui célébrera le mariage projeté entre Mademoiselle Clara Léopoldine COLLARD ici présente et Charles Félix GIOT, malheureusement absent puisque mobilisé au sein de l’Armée française, et donc représenté par Monsieur Jules GASNAL agissant comme fondé de procuration spéciale.

Je vais commencer la cérémonie en vous donnant lecture des articles du Code Civil :

Article 212 : les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance.

Article 213 : les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir.

(…)

Après cette lecture, je dois vous demander si un contrat de mariage a été passé entre les 2 époux. Jules et Clara répondent négativement à la demande de Monsieur LEMAIRE. Nous allons donc passer aux échanges de consentement des époux :

Mon mandant a déclaré vouloir prendre pour épouse Mademoiselle Clara Léopoldine COLLARD, intervient Jules.

Moi Clara Léopoldine COLLARD, je déclare vouloir prendre pour époux Charles Félix GIOT. 

– Je déclare donc Charles Felix GIOT et Clara Léopoldine COLLARD unis par le mariage.

Nous allons passer à la lecture de l’acte qui sera inscrit sur les registres d’état-civil de la commune en double exemplaires. Si les informations sont exactes, nous passerons à la signature des registres par les époux, les témoins et les parents présents »

Acte de mariage – 2/08/1915 – Commune d’Oger

 

Alors voila ! Jules est là à la place de Charles. Charles qui doit être un ami de Jules Etienne Marie GASNAL, le fils cadet de Jules né en 1892 tout comme Charles. Ils ont dû tous deux faire leur service militaire ensemble puisqu’ils font partis du 155ème Régiment d’Infanterie basé à Commercy (Meuse-55).

La cérémonie étant terminée, les invités quittent la salle. Je les laisse passer afin de pouvoir au moins saluer Jules. Je l’attends patiemment près de la sortie. Au moment où il s’approche, je tente ma chance :

« Bonjour Jules, dis-je.

Oh Bonjour Emeline ! Que fais-tu ici ? Avancez Clara, je vous rejoins tout de suite.

C’est le jour du rendez-vous ancestral et je suis arrivée à Oger. Je ne savais pas qu’il était possible de remplacer quelqu’un pour un mariage !

Moi non plus figure toi, me dit-il avec un petit rire, on peut en faire des choses quand on réfléchit et que l’on se renseigne auprès des bonnes personnes !

Oui tu as bien raison ! Toi et Blanche avez réussi à avoir des nouvelles de Jules ?

Nous lui envoyons des courriers et des colis en Allemagne. J’espère qu’il les reçoit. Il nous dit dans ses lettres qu’il va bien mais je m’inquiète beaucoup. Combien de temps vont-ils le garder prisonnier ? Quelle guerre ! Les nouvelles du front ne sont pas bonnes…

Tu sais que je n’ai pas le droit de te dire grand chose sur le futur mais ne t’inquiète pas trop pour Jules, ca va aller…

Je suis vraiment désolé, j’aimerais beaucoup rester avec toi mais je suis attendu en bas. 

Oui je sais Jules. Ce n’est pas grave, je reviendrais te voir chaque fois que je le pourrais et si tu le veux bien bien-sûr… Je tente de cacher ma déception de devoir écourter ce rendez-vous… Comme à chaque fois que je vois Jules, j’aimerais pouvoir rester des heures et des heures avec lui, j’ai tellement de choses à lui demander, il est tellement extraordinaire…

Evidemment. Et j’aimerais bien comprendre comment tu fais pour venir me voir ! Tu as inventé une machine ? Ça m’intéresse beaucoup !

Non Jules, pas de machine ! Je ne peux m’empêcher de rire un peu. Je ne suis pas aussi ingénieuse que toi ! 

Il hausse les épaules.

Tu as dit que tu étais vigneron, tu as laissé tomber ton bureau de tabac et l’épicerie ?

C’est une histoire un peu trop longue pour aujourd’hui. Jules me prend les mains. Tu reviendras me voir et on discutera tous les deux. Je te présenterais Blanche aussi ! Tu resteras dîner avec nous. 

J’aimerais beaucoup !

Au revoir ma petite fille et à très vite.

Au revoir Jules.

Jules descend les marches de l’escalier. Me voilà bien seule dans cette Mairie. Je regarde par la fenêtre le cortège quitter la mairie. A bientôt Jules…

 

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A Oger, je m’occupais, entre autres, de l’Etat-civil et du cimetière ! C’était un privilège de pouvoir feuilleter tous les jours les registres d’état-civil ! J’ai entrepris la réorganisation administrative du registre du cimetière qui était un beau sac de nœud. Depuis la création du nouveau cimetière dans les années 1890, tout était consigné dans un petit carnet. J’ai créé des classeurs et un suivi informatique pour les nouvelles concessions et la reprises des anciennes. J’ai inscrit les dates et lieux de naissance, mariage et décès de chacun des occupants du Cimetière. C’est en réalisant ce travail que je suis tombée, par hasard lors de l’ouverture du registre des mariages de 1915, sur la signature de Jules ! Un petit coup de chance !

 

 

 

 

8 réflexions au sujet de “#RDVAncestral : 2 août 1915”

    1. Merci beaucoup ! Charles était mobilisé lors de son mariage. J’ai regardé sur les archives en ligne de La Croix Rouge International et il a été fait prisonnier comme mon AGP mais je n’ai pas plus d’info. Je n’ai pas pu consulter sa fiche matricule pour le moment ! Je vous remercie sincèrement pour votre lecture et votre commentaire ☺️

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  1. Merci pour ton #RDVAncestral qui m’a fait découvrir le « fondé de procuration spéciale » ! Je me demande si ce cas ne s’est pas répété plus souvent pendant la première guerre mondiale, le but était de permettre les mariage de jeunes couples séparés par la guerre… sans doute pour prémunir les jeunes filles en cas du décès de leur fiancé/marié ?

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    1. Merci Sebastien pour ta lecture et ton commentaire ! Grâce à la communauté twitter et Gallica, une circulaire interministérielle du 8 avril 1915 est sortie pour autoriser les jeunes hommes à etre absent pour leur Mariage… je ne l’ai pas encore lu en entier… je pense que vu l’hécatombe de septembre 1914 et le nombre de prisonnier (car Charles a été prisonnier mais je ne sais de quand à quand) il fallait certainement régler la situation… merci beaucoup en tout cas 😊

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